Pourquoi les smartphones sont-ils interdits au collège ?
On ne sait pas éduquer au numérique
On a peur de parler du numérique ou l'on ne sait pas en parler donc on préfère interdire. Tout comme pour la sexualité, il est plus facile de créer un tabou que de considérer sérieusement le sujet et d'éduquer les collégiens.
Pourtant, que l'on parle de sexualité ou de téléphones, il s'agit bien de deux sujets auxquels vont se retrouver confrontés tous les collégiens. Avant leurs 14ans, les collégiens auront la puberté et un smartphone mais ni l'un ni l'autre n'aura été discuté en classe. À la place, on se tait, les laissant se débrouiller avec leurs fuites (de données) intimes.
C'est véritablement la politique de l'autruche : si l'on en parle pas, cela n'existe pas.
C'est compliqué le numérique ?
Non ! Ou en tout cas pas pour les raisons qui servent d'excuses. On se cache derrière la technique, les professeurs ne sont pas formés à' l'informatique, c'est des sciences alors ça doit être compliqué... Mais in fine, ce qui doit être enseigné aux collégiens c'est l'usage du téléphone, ce n'est pas à coder des algorithmes.
Les inquiétudes que l'on entend toujours sont :
- Le cyber-harcèlement
- Le respect de la vie privée
- La désinformation
- L'addiction
- L'accès aux contenus inappropriés
Autant dire, plutôt des problématiques à traiter en cours de français ou d'éducation civique plutôt qu'en cours de mathématiques.
Pédagogie > contrôle
L'interdiction du téléphone, c'est l'approche la plus court-termiste pour adresser ces questions. C'est la réponse d'urgence. Comme on ne sait pas quoi faire pour empêcher ces situations, on bloque tout pour être sûr que cela n'arrive pas (spoiler alert : cela ne fonctionne pas).
C'est la réponse de facilité, celle qui ne nécessite pas de réfléchir car ça prend du temps de réfléchir. De réfléchir à la société que nous voulons être en questionnant nos comportements qui peuvent conduire au harcèlement (et son extension cyber). De réfléchir à la société que nous voulons avoir en questionnant notre capacité à garder notre intimité (morale ou physique).
Et s'il y a bien un lieu pour réfléchir, c'est le collège. S'il y a un bien un levier pour inciter à prendre le temps de la réflexion, c'est par l'éducation. Sans cela, on est condamné à réagir de crise en crise par des réponses d'urgence, comme on réagit de notification en notification par des clics frénétiques et des selfies balancés dans la précipitation à n'importe qui.
Alors, faut-il autoriser le téléphone au collège ?
Absolument pas !
Si vous avez bien lu cet article, ce n'est pas une apologie du smartphone, bien au contraire ! Le smartphone et la tablette sont l'évolution, ou plutôt la réduction de l'informatique dans sa plus pure forme de divertissement consumériste. Si le numérique doit être émancipateur, ce n'est certainement pas avec des matériels simplistes aux logiciels conçus autour de l'économie de l'attention que cela pourra arriver.
En attendant, il est primordial de ne pas paniquer, et il faut arrêter la politique de communication qui joue la surenchère à la répression (on va saisir tous les téléphones à l'entrée du collège) pour prétendre agir. À la place, il faut savoir s'arrêter pour prendre le temps de réfléchir à comment éduquer nos enfants. Non pas en cherchant à les protéger mais en leur apprenant à se défendre.